Sortie 23 & 24 mars – La Trinité

Equipage :
Stéphane S, Matthieu P, Sylvain M, Clément B, François P, Laurène M, Hervé P & Nicolas S


C’est dans l’erreur que l’on se construit, et nous bâtissons grand

C’est plein d’entrain et d’ambition que commence ce week-end par un bel après-midi de printemps. La route est dégagée, les voitures spacieuses, le régulateur de vitesse enclenché, nous filons vers la Bretagne laissant derrière nous un faible filament de fumée carbonée. La sous-location de la famille Papillon est une agréable surprise, vaste demeure sans malfaçons dissimulées, nous pouvons y établir nos quartiers. Un premier repas typique du sud Morbihan avalé nous allons nous coucher car demain ça commence.

1er jour

Levés et apprêtés nous voilà au port à 9h à recenser les différents éléments présents sur notre bateau. 9h30 nous sommes fin prêt, les muscles chauffés avec la ferme envie de naviguer. C’est en toute logique qu’à 9h45 nous discutons de cette même envie, en terrasse avec notre demi. Quelques verres plus tard nous nous décidons à embarquer. Départ à midi moins le quart, si le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt disons que nous l’empruntons. Par rapport à l’année dernière nous affichons un effectif légèrement remanié. La première composition prévoie Stéphane en tacticien, skipper et barreur, les autres se contentant de bien répartir leur poids à l’avant du bateau. Ayant discuté les pours et les contres d’une telle disposition nous redistribuons les postes. Stéphane gardera ses 3 postes, Mathieu concentrera l’ensemble de ses efforts et nombreux talents à proprement régler la grand-voile. A l’embraque, un nouveau duo formé de Sylvain et Clément est constitué, une charnière sur le papier complémentaire mais encore inexpérimentée. François au piano, après des débuts réussis c’est l’année de la confirmation, voir, on l’espère, de la consécration. A l’avant, Laurène en numéro 2 pour apprendre la rude vie des avants postes. Nicolas en numéro 1, ne devant sa promotion qu’à l’abandon de poste de son prédécesseur. Et pour finir Hervé en superviseur des postes avant. Un dernier poste créé de toute pièce par Team Wind pour GeoSail de façon à ne pas avoir à doubler la caution.

Ce premier jour est un entraînement collectif pour perfectionner les réglages et les automatismes de l’équipage. Avec trois nouvelles personnes à leur poste nous commençons par les bases en essayant d’oublier le vocabulaire côtier tel que “tires fort sur la corde on va tourner à droite avec le vent dans la figure”. Puis nous rejoignons la flotte pour les exercices de régates.

Quelques recommandations nous sont données de façon à maximiser notre efficacité. Dans un souci de concision je n’en détaillerai ici que quelques morceaux choisis.

Commençons par le départ et le poste de numéro 1.
Le seul moment de confort où l’on se sent un tant soit peu respecté, droit, le regard au loin, le torse bombé, fier comme une figure de proue la barbe au vent. Me voilà à genou comme un pénitent, les rotules en sang, à essayer de diviser l’immensité de l’océan en matrice de 8.93 mètres par 8.93 mètres.
Pour le piano, la tâche consiste simplement à retro-compter de 180 à 0 au rythme des oscillations du Césium sans agacer ses coéquipiers.
Pour l’arrière c’est autrement plus aisé puisqu’il suffit, lors de ces 3 minutes, de faire un bord bateau comité – bouée, puis le bord inverse pour trouver le bord le plus rapide, ensuite se mettre au vent pour trouver le côté favorable. Ceci étant dûment noté par le tacticien, aller prendre un peu d’élan pour s’assurer de franchir la ligne de départ à pleine vitesse et, cela va sans dire, en première position.

Poursuivons avec les manœuvres vent arrière.
Pour un empannage réussi, le numéro 1 doit s’adosser au mât, prendre le tangon en main et simplement faire un petit mouvement de rotation de façon à décrocher la mâchoire du mât, puis de l’écoute, faire tomber l’écoute de génois, puis passer l’écoute de génois opposer, raccrocher la nouvelle écoute de spi dans la mâchoire et enfin raccrocher le tangon au mât, tout ceci en bien moins de temps qu’il n’en faut pour le lire. La tâche étant aisée les architectes navals ont évidemment pensés à souder suffisamment d’anneaux au mât pour pouvoir scarifier numéro 1, numéro 2 et toutes personnes souhaitant jouer avec le tangon. S’il ne fallait retenir qu’une chose lors de cette manœuvre c’est que les embraqueurs doivent, par tout temps et sans aucunes exceptions, choquer les écoutes de génois avant un empannage. N’hésitez pas à lire et relire cette dernière phrase voire à la graver sur les verres de vos lunettes fumées.

L’ensemble des conseils énumérés nous pouvons commencer. Le temps est au beau fixe, une brise légère se charge de redresser les penons, la mer d’huile n’attendant que d’être fendue par notre esquif.

Nous enchaînons quelques départs et virements autour des différentes bouées. Les manœuvres vont crescendo et nous commençons à nous approcher de l’efficacité. Gardant nos distances vis à vis des bateaux de tête nous ne sommes tout de même pas dernier. C’est dans cette confortable position du ventre mou que nous entamons le franchissement de la dernière bouée quand un barreur hirsute sortant tout juste de sa boîte à UV vient nous éperonner. Surpris nous nous attendons presque à devoir refluer l’ensemble de sa famille venant nous aborder couteaux entre les dents pour dérober nos restes de barres chocolatées, heureusement il n’en est rien. Il finira par se répandre en excuses qui ne seront acceptées que par pure courtoisie. Son vil mensonge à propos d’un verre offert aura fini de lui réserver une place en enfer pour l’éternité.

Partant d’assez bas nous pouvons noter de fort progrès tout au long de la journée aussi bien à l’avant qu’à l’arrière en passant par le piano, ce qui est fort encourageant. Un petit bémol à noter sur les réglages de la GV. Après avoir retrouvé le responsable marmonner avec mauvaise foi à son pichet de bière: “pas assez vrillé, trop étarqué, moi aussi je peux passer mes après-midi au soleil sur un zodiac à critiquer” et finalement me confier les yeux embués qu’il trouvait la bâche publicitaire Heineken trop creusée, j’en déduis qu’il n’était pas fier de sa prestation de la journée. La soirée se finie animée par le président du club ludothèque prodiguant les bienfaits de la construction d’une cité par des elfes cartonnés avant d’aller se coucher.

2eme jour

Plus efficace que le premier jour nous larguons les amarres à 9h30 et à 10h notre spi expose déjà au vent sa belle toile dorée. Nous enchainons quelques manœuvres confiant d’avoir intégré les conseils prodigués la veille. Aujourd’hui c’est le challenge de printemps et au milieu des résidents nous comptons bien faire bonne figure. Nous voguons à pleine vitesse vers la ligne de départ lorsque Stéphane nous ordonne l’affalage du spi. Confiant, les numéros 1 et 2 préparent le sac, visualisent mentalement la position de l’écoute de génois une fois le tangon baissé; sur le tangon, devant la balancine sans aucun double nœuds sur une quelconque aspérité. Tout est prêt on hisse le génois, la voile monte majestueusement vers la cime du mat lorsque foudroyée elle s’écroule, la drisse s’effondre dans le mat et l’ensemble de l’équipage reste bouche bée les yeux au ciel sans oser bouger, espérant vainement qu’un goéland vienne tout réparer. Il faut se rendre à l’évidence il n’y a plus qu’à rentrer. L’envie de prendre un Uber est grande malheureusement non content de frauder le fisc ce géant californien ne desserre toujours pas les mers. Nous voilà donc comme Ulysse au milieu des sirènes admirant les voiles multi-couleurs qui nous entourent et écoutant les chants goguenards de leurs occupants. Nous voguons tête basse en attendant que le supplice soit terminé. L’excuse non requise présupposant l’erreur, je me persuade que mon nœud de chaise n’était pas trop court et me refuse à suivre le conseil de François consistant à mutiler cette pauvre drisse à coup de compas, voire à la ronger à pleine dent pour plaider l’avarie matérielle. De retour au port nous sommes remplis d’idées aussi variées qu’utiliser de la ficelle de rôtie, un plomb, un aimant, de l’origan et une scie à métaux pour récupérer notre drisse égarée dans les tréfonds du mât. En attendant que cette liste de course soit achetée dans la boutique souvenir du port de la Trinité, nous hissons Clément en tête de mat, puis à l’aide d’un compas, d’un stylo et d’une paire de ciseaux nous finissons par récupérer notre drisse. Il est 12h30 et nous sommes fin prêt… pour la deuxième fois de la journée.

De retour sur le plan d’eau nous constatons avec effrois que tous les bateaux sont entrain de rentrer, nous voilà donc seuls, tel de vilains petits canards avec qui personne ne veut jouer. Qu’à cela ne tienne, nous ne sommes jamais aussi performants que sans concurrents. Conscient de cet avantage nous enchainons virements, manœuvres et goûters jusqu’a la fin de la journée. La barre est bien gérée, la grand-voile est finalement proprement étarquée, les écoutes choquées à bon escient et le piano profite de son marquages pour gagner en efficacité. L’envie de bien faire est revenue et Hervé n’hésite pas, en tant que consultant avant, à ranger Laurène dans le sac de spi pour la laisser réfléchir à l’étouffée de ce dernier.

C’est donc l’esprit un peu plus léger que nous regagnons Paris, titillant au passage l’intelligence du régulateur et se réconfortant ainsi d’être plus doué qu’une vulgaire machine qui, cela dit, pourrait aisément maitriser l’art du nœud de chaise en moins d’une journée. Le dimanche se finit sur une dernière filouterie de notre VP, toujours à la limite de la légalité mais moralement aussi condamnable qu’un bouilleur de nouveau-né.

Rendez-vous dans deux semaines pour enfin faire profiter l’ensemble de la baie de notre navigation cette fois maîtrisée.

Nicolas S.

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