Sortie 12 & 13 avril – La Trinité

Equipage :
Patrick H, Matthieu P, Guillaume B, Sylvain M, Marion G, Cédric M, Hanen G & Nicolas S  


Mise au vert

Pour cette troisième sortie, point de régate, juste un petit entrainement tranquille et une mise au vert pour préparer les esprits avant la coupe. Arrivés à Quiberon dans la nuit, nous nous retrouvons le lendemain sur un confortable Sun Fast 37, idéal pour une croisière sous les tropiques.

Sea, Sieste and Sun

Pour cette sortie, l’équipage est une fois de plus remanié. Patrick sera skippeur/barreur et cumulera également le rôle d’ergonome. Rôle, qui sur un bateau est bien moins pris au sérieux que dans les bureaux climatisés de Galileo. Exemple parmi tant d’autres je n’ai toujours pas reçu mon repose pieds qui permettrai de soulager mes lombaires durant les longs bords de près. Matthieu, ayant oublié ses affaires, sera consigné à la grand-voile, seul poste qui permet de garder mocassins aux pieds et chemise bien repassée. Aux embraques Sylvain et Cédric avec Hanen en observatrice ayant pour mission de rapporter tout disfonctionnement à Mr Papillon. Au piano, Guillaume qui pour son retour avait exigé un poste plus central dans l’organisation. A l’avant, Marion en numéro 2, pour la confirmation, et un numéro 1 qu’on ne s’embarrasse même plus à présenter. Surtout depuis sa requête de ne déplacer le tangon qu’à quai suite à la présentation HSE d’un obscur gourou barbu et chauve à la fois à propos d’escalier.

La sortie commence comme dans un rêve, quelques nœuds de vent, une eau scintillante sous les rayons de soleil et reflétant le beau ciel azur. Notre bateau fend doucement les flots pendant qu’à l’abri de la bôme nous nous badigeonnons de crème anti mélanome. 10h30, nous commençons l’entrainement. Patrick nous a concocté un alléchant programme composé de virements, d’empannages et d’affalages. Les manœuvres s’enchaînent sans encombre et Marion la confiance grandissant se retrouvera même à la barre. Pendant que cette dernière se rêve en influenceuse Instagram et prodigue des conseils sur comment barrer et garder ses cheveux frisés à ses followers imaginaires, nous commençons l’apéro. Le temps de finir le repas le vent est complètement tombé, c’est avec en fond les conseils beauté de Marion que nous nous assoupissons.
Après cette sieste bien méritée, le vent ne s’étant toujours pas levé et Matthieu s’ennuyant ferme à la grand-voile nous décidons de jouer. Le club ludothèque n’étant pas représenté nous décidons de partir sur une cible, célèbre jeu popularisé par Olivier Minne. En l’absence de François le thème de la finale ne pouvant être la liste des protectorats regrettés, nous nous rabattons sur les pays d’Afrique sans même pouvoir mentionner l’AEF, l’AOF ou le Dahomey. Galvanisés par ce moment de culture nous repartons sur un peu de voile et finissons la journée par le redouté affalage du spi dans le cockpit. Rentré au port, le soleil toujours présent nous filons vers Quiberon pour profiter d’un Picon-citron.

C’est vers minuit et suite aux premières notes de Ruff Ryders que tout aurait pu déraper. Hésitants entre déguster une eau de vie tchèque de 30 ans d’âge plus ou moins douteuse ou partir en randonnée VTT dans les dunes voisines, nous avons fini après moult tergiversations par opter pour aller nous coucher. Décision salvatrice qui évita de mobiliser une cellule de crise pour récupérer un apprenti cycliste en PLS à 50m du camping.

La tourmente

Malgré quelques cafés nous arrivons au port ballonnés et espérons commencer la journée sans trop forcer. C’était sans compter sur le vent et la mer qui avaient décidé de se lever. A peine la jetée du port dépassée, nous voilà secoués comme des nourrissons oubliés dans un lave-linge. Je n’ai pas le temps de tourner la tête que je vois Marion à la proue du bateau les quatre fers en l’air rebondir comme un scarabée sur un trampoline. Tous cramponnés à la moindre aspérité nous hissons péniblement la grand-voile pendant que Cédric, le cœur gros et l’estomac de moins en moins, nous quitte.

C’est durant un long bord passé à se faire brasser dans tous les sens, qu’une idée vint de l’arrière. Comme Newton faisant une sieste sous un pommier, Matthieu fut touché d’une épiphanie alors qu’il somnolait gentiment lové dans les écoutes de grand-voile. Et si on s’amusait un peu? En effet, dans ces conditions voir ses équipiers avant s’envoler et se recroqueviller à chaque vague tourne parfois à l’ennui tant cela est répétitif. Matthieu donc, espiègle président, alla faire un tour dans le carré et ressorti avec un beau sac rouge magenta. Il dépose ce précieux paquet sur le pont et annonce “on va hisser le tourmentin”. Les règles de ce jeu sont ancestrales. Elles ont été établies à bord d’une galère phénicienne par deux généraux qui non contents d’avoir enlevé une horde d’enfants, au préalable rendus orphelins, pour les faire ramer sur la mer déchainée, avaient également envie de s’amuser. Le jeu consiste donc à aller installer une petite voile, justement nommée le tourmentin, tout à l’avant du vaisseau et se délecter de voir les malheureux valser sur la coque et se faire happer par les vagues. Interdit depuis longtemps par les autorités, pour des questions de respect de l’individu, et figurant aux cotés des gaz chlorés et du supplice de la roue dans les conventions de Genève, il est à mi- mot toléré au larges des côtes françaises. Tourmenter les esprits, déjà passablement lessivés par la houle, du numéro 1 et 2 étant la tradition, nous nous y soumettons. Il serait insoutenable au lecteur d’avoir une description trop détaillée de ce qui s’en suivi. Imaginez juste être convié à un spectacle de rodéo au fin fond du Texas. Un jeune immigré mexicain, fraichement cueilli dans un barbelé et tout juste sorti des griffes d’une milice des frontières, voltige sur le dos d’un taureau d’une demie tonne. Pendant que ce jeune homme se fait lentement démembrer, il doit passer un petit fil de lin dans le chat d’une aiguille. Si la tâche se révèle un peu trop aisée, les commissaires peuvent, sous les hourras de la foule, lancer de grands sauts d’eau iodée sur la jeune victime permettant à la fois de lui rafraîchir les idées et de lui brûler la cornée. L’image de ce divertissement sudiste prend fin, la voile est fermement attachée au point d’amure et je rampe vers l’arrière oscillant entre nausée et soulagement. Dans un syndrome de Stockholm naissant je vais demander à Mr Pouget un peu de feedback, si cher au géophysicien que je suis. “Oui c’est bien, on va l’enlever et mettre le Génois plutôt”. En effet avec l’enrouleur présent sur notre bateau il faut un petit peu moins de 15 secondes depuis l’arrière pour hisser un équivalent de tourmentin, tellement simple que c’en est chiant. Je repars donc en roulé-boulé vers l’attache avant.

Nous avalons notre sandwich et chacun le regard au loin, se concentre pour garder chaque bouchée. Ceci fait, notre fringuant président propose de s’y mettre enfin et d’envoyer quelques manœuvres. Une initiative rejetée à l’unanimité, qui fera sortir de la bouche de Cédric, en plus de son diner de la veille, un Alléluia. L’ arrivée au port est express et c’est à plus de deux nœuds que nous arrivons sur le ponton. A peine la première amarre passée que Cédric saute du navire comme un chat d’une baignoire et court appeler M. Retailleau pour lui annoncer qu’à compter de lundi il travaillera sur KOC 🙂 . Hors de question que la suite de sa vie soit mêlée de près ou de loin avec la marine. Nous dégréons le bateau et soulagés de s’en être tirés, rentrons vers la stabilité.

Nicolas S.

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